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Journal d'une fille paumée, ballotée par la vie.
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30 septembre 2010

Le suicide

Je repense à un soir, je devais avoir 10 ans puisque j'étais en CM2, ma mère et moi étions dans le lit de mes parents. Comme d'habitude, elle lisait un livre et avait mis de la musique classique en fond sonore, j'avais pour habitude de rester un bon moment avec elle avant de me coucher. Ce jour là je ne sais plus ce qu'il s'était passé, un trop plein de solitudes et de moqueries à l'école, un trop plein de hurlements et de postillons de mon père. Je me revois dans le lit, à coté de ma mère, à la place de mon père, là où ça puait la transpiration, je lui ai dit que je voulais mourir. Ses larmes m'ont tellement surprise que j'ai tout de suite retiré ce que je venais de dire, "c'était pour rire".

Ma mère m'a raconté que lorsque mon père était enfant, ma grand mère faisait des crises de folie, disait qu'elle allait se jeter par la fenêtre pour faire du chantage à mon grand père. Ça explique beaucoup de choses... Je ne me souviens que de quelques épisodes alors qu'il y en a eu tant, le reste m'échappe, pourtant j'essaie de me rappeler. Je revois ma mère cacher toutes les cordes de la maison sous le meuble du salon et m'ordonner de ne pas dire à papa où elles sont.

J'étais petite, ma sœur n'était pas encore née, et mon frère vivait encore à la maison. Nous étions dans la cuisine, attablés dans les hurlements, la routine. [blanc]. J'entends un gros bruits de fracas et maman nous dit de ne pas bouger, elle va dans le garage qui donne sur la cuisine et ferme bien la porte, elle rejoint mon père. Il s'était pendu, seulement la poutre où il a accroché la corde n'a pas supporté son poids.

Je suis dans ma chambre et j'entends hurler, mes parents se disputent. Je finis par descendre pour voir ce qu'il se passe et je vois ma mère, dans une rage folle, prendre tout ce qu'elle trouve et le jeter par terre: assiettes, verres, pot de confiture. Je ne sais plus à quoi était la confiture, mais j'ai photographié l'image dans ma tête, les grumeaux rouges sur le carrelage mélangés aux éclats de verre cassé. [blanc]. Ma mère est enfermée dans les toilettes, cela fait plusieurs heures que le calme est revenu. Mon père bricole sur son établi comme si rien ne s'était passé, et me dit qu'il veut aller aux toilettes. Je vais devant la porte fermée à clef, je frappe doucement pour demander à ma mère de sortir et lui demande ce qu'elle fait, ça fait très longtemps qu'elle y est, et papa veut aller aux toilettes.

Je ne me souviens plus de ce que mon père disait à ma mère, pour quoi il lui faisait du mal. Est ce qu'il lui hurlait dessus comme sur mon frère et moi? est ce que ce qu'elle faisait n'était jamais assez bien? Ah si, je me souviens qu'une des causes de disputes récurrentes était le ménage; la maison est en bordel, jamais rangée, tout traine, rien est à sa place.

Durant mes années lycée, j'ai été interne, je ne revenais que le weekend. Chaque moment passé dans la même maison que mon père était une révolte, la façon dont il hurlait sur ma sœur (qui a 10 ans de moins que moi), les injustices quotidiennes. Il ne fallait pas faire de bruit en mangeant (les fois où il mangeait avec nous, c'est à dire quand ma mère ne travaillait pas le soir, quand elle était présente à la maison), il fallait que ma sœur se tienne droite, il ne fallait pas parler trop fort, en fait, depuis son siège devant la télé où il s'installait chaque soir pour manger et pour le reste de la soirée, chaque fois qu'il entendait notre présence il hurlait. Il fallait ne pas faire de bruit avec nos couverts, il ne fallait pas rire. Je n'ai jamais réussi, comme mon frère (qui a ce moment ne vivait plus avec nous depuis longtemps), à baisser les yeux, je ne me suis jamais laissé faire, je criais de toutes mes forces pour me défendre et défendre ma sœur. Un jour de grosse crise où nous avons hurler pendant longtemps, mon père a dit à ma sœur qui devait avoir 6 - 7 ans, devant moi, "ce soir je vais partir et je ne reviendrai jamais". [blanc]. Le docteur de la famille entre dans la maison, monte dans la chambre de mes parents. Je l'entends parler fort à mon père, "vous allez marcher monsieur G., vous allez descendre, on va vous aider". Je vois mon père complètement sonné, appuyé sur le médecin et un autre homme, sans doute un ambulancier, descendre les escaliers et sortir de la maison. Apparemment il a pris des somnifères, mais pas assez pour se tuer. Pas assez. Après cet épisode il a été interné un peu plus d'un mois je crois, et ma mère n'est pas allée lui rendre visite. Un jour j'ai eu ma grand mère paternelle au téléphone, et elle m'a dit qu'il fallait que je fasse des efforts avec mon père, qu'il était malade. Je lui ai répondu qu'il me hurlait dessus tout le temps pour rien, elle m'a dit, "oui mais arrête de répondre, tu verras ça après, d'abord il faut qu'il s'en sorte".

Ma mère était conductrice de bus, ses horaires n'ont jamais été fixes. Je redoutais les jours où elle travaillait le soir, ça voulait dire que j'étais seule avec ma sœur et mon père, et qu'il fallait que je m'occupe de ma sœur, que je la fasse manger, pendant que mon père regardait la télé. Durant mes années collège, chaque soir où ma mère travaillait, j'attendais son retour; elle arrivait, posait son sac, allait enlever son uniforme et mettre son pyjama, et revenait dans la cuisine pour manger. Il y avait toujours son assiette, ses couverts, et un verre retourné sur la table, que mon père avait préparé pour elle. Je restais pendant qu'elle mangeait, elle me racontait des anecdotes de sa journée. Et puis il venait le moment où je rapportais ce que mon père m'avait fait, ce qu'il m'avait dit (ou plutôt hurler, mon père ne savait pas parler normalement sauf quand il y avait une personne extérieure au cocon familial, là il donnait des surnoms affectueux et faisait mine de s'intéresser à nous), ce qu'il avait hurler sur ma sœur... je racontais la crise journalière. Ma mère me disait qu'elle en avait marre, qu'elle était fatiguée, qu'elle ne voulait pas savoir, qu'il fallait que je me débrouille avec lui; je ne sais pas pourquoi je ne me suis jamais tu, le lendemain je continuais de rapporter.

Un jour ma mère a décidé qu'il fallait que je vois un psy. alors une fois par semaine, j'allais voir cette femme pendant que ma mère attendait dans la salle d'attente. Je racontais tout, avec le moindre détail, tous les mots qu'il me disait, toutes les petites histoires, la goutte que j'avais laissé sur la table après l'avoir essuyée et les reproches qui en ont découlé, les cris, les "t'façon t'es bordélique, t'es comme ta mère, vous êtes pas capables de ranger quoique ce soit" etc. La psy me disait qu'il fallait que dans ces moments là, il fallait que je me visualise une bulle autour de moi, il fallait que j'imagine que les cris de mon père rebondissaient sur la bulle, elle m'a même fait un dessin pour illustrer. Je ne sais pas combien de temps j'y suis allée, si ça se compte en mois ou en années, mais un jour, même la psy en a eu marre, elle m'a dit qu'il fallait que j'essaie d'arreter de me plaindre. Elle m'a proposé d'aller en internat à partir du lycée, en disant que c'était le mieux pour moi.

Je suis dans la pièce où je parle d'habitude avec la psy, il y a avec moi mes deux parents. La psy dit à mes parents qu'il faut que j'aille en internat, que je souffre trop, et que sinon ça va finir par un clash où je vais couper les ponts. Ma mère pleure et mon père dit: "mais en parler ici avec vous, ça ne suffit pas?"

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Commentaires
G
J'espère que votre psy pourra vous aider vraiment, j'ai été sensible à votre souffrance. Mon blog ne vous sera pas très utile car il est en dehors du sujet.
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